Vendredi 21 février, Benjamin Haddad, ministre délégué à l’Europe, était en déplacement sur le terrain en Mayenne. Au programme : tour d’exploitation chez Laurent et Philippe Taupin, producteurs laitiers à Javron-les-Chapelles, puis visite de l’unité de méthanisation Agrimaine, à Charchigné. La soirée s’est soldée par un échange en préfecture avec la FDSEA.
Bovin lait et méthanisation : le ministre délégué à l’Europe en terres mayennaises
Le vendredi 21 février, Benjamin Haddad, ministre délégué à l’Europe, a visité la Mayenne pour rencontrer les agriculteurs locaux. Accompagné de l’eurodéputée Valérie Hayer, il a commencé son déplacement par une visite de l’exploitation laitière de Laurent et Philippe Taupin à Javron-les-Chapelles. Cette visite avait pour objectif de discuter de la simplification des normes agricoles et de la souveraineté alimentaire.
Laurent Taupin a présenté leur exploitation et a souligné les difficultés liées aux nombreuses normes imposées aux agriculteurs. Il a notamment mentionné les pénalités fréquentes après les contrôles de la PAC, ce qui décourage certains agriculteurs de demander des aides. Benjamin Haddad a reconnu les contradictions dans les discours sur les normes agricoles entre les différents pays européens et même au sein du gouvernement français.
Ensuite, la délégation s’est rendue à l’unité de méthanisation Agrimaine à Charchigné, créée par Laurent Taupin et d’autres agriculteurs. Cette unité, qui regroupe 110 agriculteurs, produit de l’électricité à partir de gaz méthane et fournit de la chaleur à la Société fromagère de Charchigné. Cependant, le projet d’injection de biométhane dans le réseau de gaz a été refusé, ce qui impacte négativement le modèle économique et environnemental de l’unité. Patrick Forêt, président d’Agrimaine, a exprimé son mécontentement face à cette situation législative.





C’est en préfecture de la Mayenne, à Laval, que le déplacement de Benjamin Haddad s’est clôturé vendredi 21 février. Pendant près d’une heure, le ministre délégué chargé de l’Europe a échangé avec les élus de la FDSEA, en l’occurrence son président Florent Renaudier accompagné de ses secrétaires Mickaël Guilloux et Jean-Yves Guérot. En présence de la préfète de la Mayenne, Marie-Aimée Gaspari, et de la députée européenne, Valérie Hayer.
Planification écologique, souveraineté alimentaire, PAC post-2027, négociations commerciales, normes, droits de douane, Ukraine… Tout y est passé vendredi 21 février au soir, ou presque. Il faut dire qu’avec le concept du Pacte vert et l’élaboration de stratégies nationales en découlant, les enjeux à moyen et long terme prennent de plus en plus d’importance dans la conception des politiques publiques. Des objectifs environnementaux à atteindre à l’horizon 2030 voire parfois pour 2050 mais qui, selon les responsables agricoles, s’appuient sur des prospectives qui ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux économiques pour l’agriculture européenne. C’est donc avec ces propos liminaires que Florent Renaudier, président de la FDSEA, a souhaité ouvrir le débat avec le ministre.
« Nous vous alertons sur le risque de ne pas considérer suffisamment les questions d’augmentation des coûts de production, de la baisse des rendements, des choix de consommation, de l’innovation ou encore du commerce international dans l’élaboration des stratégies nationales et européennes. Cela donne le sentiment de politiques européennes qui encouragent la décroissance, tout l’inverse des enjeux de souveraineté alimentaire ».
« Ne pas finir comme l’industrie ou le textile français »
Outre ses inquiétudes sur les nouvelles règles à venir en matière de bien-être animal lors du transport, le secrétaire général Mickaël Guilloux est revenu sur la directive relative aux émissions industrielles, aussi appelée directive IED. Plus particulièrement, les mesures impactant les élevages porcins et volailles. Ce dernier appelle urgemment une inflexion claire des directives et des lois (notamment la loi « industries vertes ») pour simplifier et sécuriser les dossiers des installations classées. « On veut bien manger du porc et de la volaille mais on ne s’inquiète pas de savoir si elle est produite en France… ». Or, trouvant du regard son secrétaire adjoint Jean-Yves Guérot, producteur de volailles à Changé, il rappelle qu’« un poulet sur deux consommés en France est étranger ! ». De son côté, le ministre tente de rassurer : « J’ai fait la demande d’un inventaire de tout ce qui est surtransposé entre l’UE et la France. Pas nécessaire de surtransposer, on voit que cela nuit à notre agriculture et plus largement à nos filières agroalimentaires. Là-dessus nous sommes d’accord ». Et Jean-Yves Guérot d’enfoncer à son tour le clou : « On se bat pour éviter ce qui s’est passé dans l’Est de la France. Vous savez, l’industrie métallurgique, le textile…, tout ce qui faisait la richesse de la France… Aujourd’hui, un abattoir ferme tous les deux mois en France. Dans nos usines agro-alimentaires, il y a de la technicité à préserver. Nos outils industriels sont capables de participer à la redynamisation des territoires. »
En faveur d’un protectionnisme européen
« On est entré dans une guerre économique, avec un retour du protectionnisme au gré de chacun. Notre crainte, c’est d’être encore et toujours la monnaie d’échange économique », poursuit Mickaël Guilloux, citant notamment l’exemple des voitures électriques. « La Chine a remis des droits de douanes sur nos produits agro-alimentaires. On peut aussi prendre l’exemple de la lysine : alors que nos entreprises françaises savent produire l’acide aminé, on en importe plus. Ce qui fait augmenter le prix de l’alimentation animale ». « On ne veut pas entrer dans une guerre commerciale, mais on souhaite plus voir comment on peut se faire capable de demander aux importateurs de contrôler ce qu’ils commandent… ».
Egalim à l’européenne ?
« Au niveau européen, on travaille aussi sur le rééquilibrage de la chaine de valeur, poursuit le ministre. Deux textes vont arriver prochainement pour faciliter la création d’OP et encourager des pratiques commerciales plus loyales, avec une meilleure coordination des états membres ». A l’heure où les négociations commerciales en France vont bon train, les élus agricoles alertent le ministre sur la guerre des prix acharnée qui se mène en ce moment par Leclerc, Lidl… « Attention au chiffre d’affaires réalisé par les centrales d’achats installées hors France », prévient Mickaël Guilloux qui décrit une pratique de plus en plus courante pour contourner la loi française. Tout comme il alerte le ministre sur la provenance des viandes en RHD : « Pour 80% du volume vendu en GMS le travail en Mayenne a été fait, les distributeurs respectent les règles. Mais pour la RHD, l’origine est rarement notifiée… Une fois sur deux, lorsque l’origine est mentionnée, elle n’est pas française ! » Espérons que le récent décret français annoncé par le Premier ministre, rendant obligatoire dans les restaurants l’affichage de l’origine des viandes, rectifie le tir.
BCAE : un pas en avant, deux pas en arrière
Au chapitre de la Politique agricole commune, le président de la FDSEA a demandé d’avoir rapidement un premier bilan de la programmation en cours. Evoquant les mesures découlant des BCAE (Bonnes conditions agricoles et environnementales), Florent Renaudier a toutefois consenti une avancée sur le ratio des prairies permanentes, « tenant compte de la dynamique de l’élevage et donc revu dans certaines régions comme en Pays de la Loire. » « Il serait maintenant bon de se pencher sur l’âge des prairies qui ne se justifie plus de rester fixé à 5 ans », a-t-il ajouté. Actualité mayennaise oblige, c’est sur le dossier des cours d’eau que ce dernier a fini d’interpeller.
« En Mayenne, un travail important a été fait par la profession avec les services de l’Etat pour que les traits bleus discontinus ne soient pas classés. Un bel exemple de cogestion assumée et comprise des agriculteurs, sur le point d’être balayé par un nouvel arrêté préfectoral plus contraignant, à la suite du recours d’associations environnementales. Une inertie de plus sur nos exploitations… »


